Émission: Un pas à la fois
Canal: Ami-Télé
11 avril 2020
Verbatim de l'entrevue
Entrevue entre Jessie Archambault et Jocelyn Morettini, M.Ps.
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Pour lire le verbatim...
L'ostéointégration est une intervention chirurgicale disponible depuis peu au Québec.
Cette nouvelle procédure d'implant va changer la vie de nombreuses personnes amputées.
Je suis Jessie Archambault journaliste chez AMI-télé.
Je vais à la rencontre de l'équipe de l'Institut de Réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal et de Sara, une de leurs 1res patientes, qui va réapprendre à marcher un pas la fois. *** À l'âge de 16 ans, je revenais de travailler un soir, c'était le 31 mars 2006 et il y avait un animal mort sur le chemin que j'ai pas pu éviter, donc je me suis retrouvée à passer dessus, perdre le contrôle de mon scooter, tomber dans la voie inverse et il y avait un camion remorque qui arrivait de l'autre côté. Il était trop tard, j'étais rendue en-dessous du camion. On m'a plongée dans un coma artificiel, c'est un coma provoqué, qu'on appelle, parce que t'as tellement de médication que tu n'es plus là . Puis au bout de ces trois semaines-là , on m'a réveillée progressivement, puis c'est ma mère qui m'a fait l'annonce qu'il me manquait une jambe avec l'aide de la psychologue. Oui, pour moi, c'est une force de parole, l'accident qui m'est arrivé parce que je m'en sers beaucoup pour témoigner avec les gens autour de moi. chaque personne a son histoire, chaque personne, vraiment, est précieuse, puis elle a une histoire sacrée qui est très délicate à prendre, puis des fois, on ne s'en doute tellement pas! On juge les gens en les voyant passer, mais tu le sais pas, eux, qu'est-ce qu'ils vivent. (J. Archambault): Aujourd'hui, c'est la journée d'évaluation où Sara Chapdelaine va savoir si elle se qualifie pour recevoir cet implant. Dr Nathalie Habra, donc je suis physiatre à l'Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal du CIUSS du Centre-Sud de Montréal. Donc en fait, moi, je suis chef médical du programme amputés et blessures orthopédiques graves et l'ostéointégration, pour nous, ça a commencé il y a maintenant deux ans quand une de mes patientes a décidé d'aller se faire ostéointégrer en Australie. Et donc en revenant ici, on a vu la patiente et on a dit: "Il faut que nos patients aient accès à ça au Québec." Donc c'est comme ça que tout ce processus a commencé et qu'on a commencé à former une équipe pour aller développer ce projet-là . L'ostéointrégration, en fait, ce que c'est, c'est une technique chirurgicale, donc c'est une chirurgie qui nous permet de directement connecter la prothèse à la personne amputée. Donc comment ça fonctionne, c'est que d'habitude, une personne amputée a une emboîture. Donc c'est un boîtier rigide que l'amputé, la personne amputée va mettre son membre à l'intérieur et c'est ce qui permet de connecter la prothèse à la personne amputée. Par contre, certaines personnes ont beaucoup d'inconfort avec cette emboîture. C'est chaud, ça cause des bobos, des plaies, de la transpiration, donc la prothèse peut glisser. Donc cette chirurgie, ce qu'elle fait, c'est qu'elle met un morceau de métal dans l'os. ce morceau de métal, il est poreux, donc l'os va s'intégrer à l'intérieur et donc, c'est ce qu'on appelle l'ostéointégré. Et donc, ce morceau de métal va faire protrusion à travers la peau et le patient va juste connecter: clic! la prothèse sans avoir besoin de cette emboîture rigide qui est inconfortable. Donc on est une équipe interdisciplinaire, donc qui comporte moi comme physiatre, médecin physiatre. On a un orthopédiste qui vient du CUSUM, Dr Turcotte, deux physiothérapeutes qui sont attitrés à notre équipe, une prothésiste et on a un psychologue. On est la seule place où il y a vraiment un psychologue qui est intégré à l'équipe pour vraiment avoir cette évaluation complète du patient, donc pour voir les problématiques plus psychologiques qui peuvent affecter la réussite de la chirurgie. Les chirurgies ont des impacts sur l'état mental des gens, des fois pour le bien, des fois pour le mal, puis aussi l'état mental avant la chirurgie va avoir un impact sur la fonction de la personne après avoir eu la chirurgie. Donc ce sont des choses importantes à regarder, on ne peut pas séparer corps et esprit. Mon nom est Jocelyn Morettini, je suis psychologue et neuropsychologue, et mon rôle, c'est d'évaluer si les patients avec un potentiel d'ostéointégration peuvent en effet avoir la chirurgie. on a une trentaine de critères spécifiques, 15 sont des critères que je vais classer comme absolus, c'est-à -dire que si on cote sur ces critères-là , le patient va être refusé ou va avoir... on va lui demander de traiter ces points-là avant d'avoir la chirurgie. Par exemple, un patient qui a un trouble de stress posttraumatique actif ou un patient qui a une dépression active, on va demander que ça soit traité avant. J'ai un fauteuil roulant, j'ai des béquilles aussi parce qu'en ce moment, j'ai des difficultés à porter une prothèse. Vu que c'est un accident que j'ai eu, c'est un gros trauma, ça a emmené beaucoup de plaies, de greffes de peau dans mon moignon puis ça a toujours rendu complexe le port de la prothèse. (J. Archambault): Sara retrouve l a prothésiste Catherine Vallée dans la salle de conditionnement de l'Institut Gingras-Lindsay-de-Montréal. Dans le cas de Sara, la problématique vient beaucoup du fait qu'elle a un segment de membre qui a une forme particulière, qui est très conique, donc il y a un petit bout d'os qui est là pour supporter le poids de son corps, puis ça compliquait beaucoup les choses au niveau de la prothèse. Il y a aussi des cicatrices, de la peau qui était moins lisse et des greffes de peau. Donc tout ça mis ensemble faisait que c'est très difficile de faire une prothèse fonctionnelle et confortable qu'elle pouvait porter durant plusieurs heures. Non, c'est ça. Relaxe ton dos. Ouais. OK. Mon rôle par rapport à l'ostéo, c'est donner les problématiques des patients, en fait, qui portent des emboîtures et puis d'aider les autres membres de l'équipe à avoir une petite idée de ce qui a été tenté au niveau prothétique avec les patients qui sont en évaluation de la clinique. Good. C'est bon? Ouais! Là , je vais regarder comment ta hanche bouge. On va pouvoir comparer après l'opération si tout bouge bien. Parfait. Moi, c'est Danielle Petitclerc, je suis physiothérapeute. Je suis une des deux physiothérapeutes qui travaillent avec l'équipe d'ostéointégration. En fait, on regarde toute la force des muscles, les amplitudes des articulations, on regarde toute la performance de la personne avec la prothèse. On va regarder ses distances de marche, son équilibre, la façon qu'elle monte les escaliers. Une personne qui est très forte, trs en forme, mais la prothèse pose des problèmes au niveau cutané, donc elle peut pas marcher, elle peut pas utiliser la prothèse du tout et donc, au niveau fonctionnel, c'est pas efficace. À ce moment-là , elle, ça peut être un candidat à avoir cette ostéointrégration-là . 1, 2, 3, on y va! (J. Archambault): Avec ses béquilles, Sara fait des tests d'endurance physique et de motricité évalués par Danielle. L'emboîture la blessait trop, on n'a pas pu faire des tests avec prothèse. On a vu quand même qu'elle a un bon cardio, elle est très efficace et tout ça. On pense qu'avec son âge, sa condition physique, qu'avec une ostéointégration, ça va pouvoir lui permettre d'être plus fonctionnelle sur deux jambes. La prothèse, d'être fonctionnelle avec, ça va pas me redonner une vie en soi. J'ai déjà une vie! J'ai déj des amis, j'ai déjà des activités, je suis déjà une fille très, trs comblée, donc ça va juste me redonner une qualité de vie, je dirais. (J. Archambault): Une fois les évaluations terminées, Sara retourne chez elle à Québec, en sachant qu'elle se qualifie. L'opération aura lieu quelques semaines plus tard, le 26 novembre à l'Hôpital général de Montréal. Salut, Jessie! Alors comme promis, je t'envoie les vidéos tout au long de mon parcours avec l'ostéointégration, donc ça devrait être assez rocambolesque! Salut! Bon matin... 4h30, je viens de me réveiller. Je pense que j'ai dormi 3 heures en tout. Alors c'est le jour OI: jour ostéointégration. Donc... Il y a bien des choses qui se passent dans la tête de quelqu'un avant de se faire opérer: J'ai faim, soif, je peux encore boire jusqu'à deux heures avant l'opération. Là , je suis dans la salle d'attente maintenant, alors c'est parti! Je pense que ça va être mon dernier vidéo. Peut-être un autre, mais bon! Alors voilà ! C'est... ouais! Le jour est arrivé. Vous regardez Un pas à la fois. *** Vous regardez Un pas à la fois. Bonjour! Alors finalement, il est 4h. Euh, non! Il est 5h, mais je suis sortie à 4h, je suis un peu mêlée, mais c'est pas si pire. Alors c'est fait! Et je vous présente mon nouvel ami qui vient de Hollande. Alors je me porte encore bien. Donc ça, c'est notre nouvel ami. C'est pas si mal, je trouve! Puis ça c'est mon... j'ai le visage de 24h après. Jour 3! Je déménage à 10h, on m'emmène à L'IRGLN. Alors ça va bien. Hier soir, par contre, je suis restée assise carrée trop longtemps, donc le moignon a enflé assez facilement, ça fait qu'il faut que je reste quand même assez mollo, même si je suis très mobile. (J. Archambault): Deux semaines après la chirurgie, j'ai rendu visite à Sara à l'Institut de réadaptation. J'étais très curieuse de voir son nouvel implant. Elle avait rendez-vous avec la physiothérapeute Danielle Petitclerc pour un suivi. Ta cicatrice ici. Ouais! Elle a bien guéri. Quand même, hein? Ça fait qu'on pourrait commencer par la masser un peu? Bien sûr! Tu décides ce que tu veux faire. Ça va? Je pèse pas trop fort? Non, c'est bon. Tu pourrais même y aller un peu plus fort. Oui, parfait. Les gens ont beaucoup de douleur ou ils viennent de sortir de l'opération, ça fait que c'est sensible et tout ça. Sara, ç'a été merveilleusement bien, ça fait qu'on a pu commencer tout de suite la mise en charge dès la premire journée, la prothésiste est venue lui installer le petit embout qu'on met au bout de la tige de métal qui sort de son moignon, qu'on appelle des fois la petite prothèse ou l'embout qu'elle vient clipper. Ça fait que là , il faut que je... c'est ça, il faut que j'enligne... il y a comme un carré au bout de ma tige ronde, puis ça va s'emboîter dans le mécanisme de l'embout puis là , sur le dessus, il faut que je tire la petite clip qui fait que ça rentre bien et j'ai une autre clip qui vient vraiment faire que ça ne bouge pas. Et il faut des fois que je resserre la vis. Bon! (J. Archambault): C'est en utilisant son propre poids que Sara appuie son moignon sur une balance pendant 30 minutes, un exercice qu'elle fait deux fois par jour devant le miroir pour s'assurer que sa posture soit bien droite et pour s'encourager, elle écoute toujours de la musique. * I am a... (indistinct) Pendant deux semaines où elle a été ici, On a continué la mise en charge. La première semaine, on commençait à 5 kg, donc elle se met debout, elle a une petite balance en-dessous de son embout, elle s'assure de pas dépasser 5 kg, puis je pense que c'est la partie la plus difficile, il faut qu'elle mette tout son poids sur l'autre côté, ça fait que c'est quasiment tour de Pise, puis c'est très exigeant pour la jambe droite, pour le dos, mais elle a réussi à très bien faire ça deux fois par jour, puis le programme d'exercice qu'on augmentait. *** Le but, c'est d'atteindre 50 kg et une fois qu'on va avoir atteint la semaine 50 kg, on va pouvoir brancher la prothèse au bout de l'implant. Ouais, c'est ça! "Ostéoperception", là , proprio... en tout cas! On se comprend, de quoi de même! De sentir, finalement, les sensations à travers l'os, à travers la tige. Il y a un avantage qui est intéressant par rapport à une prothèse conventionnelle, c'est que les patients vont développer quelque chose qui s'appelle de l'ostéoperception. Donc c'est un gros mot pour dire qu'ils vont être capables de sentir leurs membres dans l'espace, ce qu'ils n'étaient pas capable de faire auparavant, à travers la sensation qui vient à travers le métal jusque dans l'os. Ça fait que tout d'un coup, ils vont avoir une marche qui est plus certaine, plus sécuritaire parce qu'ils savent où est leur jambe dans l'espace, donc une meilleure qualité de vie parce qu'ils font plus d'activité. Il y en a qui vont pouvoir retourner au travail, il y a certaines activités sportives qu'ils étaient pas capables de faire avant. Je commence à avoir hâte. Je fais juste faire les mises en charge, puis juste de me tenir debout sans avoir besoin d'appui, c'est assez merveilleux. Je veux dire, un de mes rêves, c'est de marcher, puis de faire "bye bye" à quelqu'un en même temps que je marche. Ça ou de faire comme: "Viens me donner un câlin, je suis debout, je suis solide!" C'est deux de mes petits rêves. (chant imperceptible) Il me reste à voir la marche qu'est-ce que ça va donner, mais déjà , l'implant en lui-même, je le trouve pas accrochant, tu sais? Malgré que j'ai à peu près 4 po qui sortent de la peau, je m'habille, je m'accroche pas dedans, je me penche, je suis pas accrochée dedans. Tu sais, il suit l'angle naturel du corps. Tu sens que le corps est beaucoup plus naturel quand t'es debout, puis que tu peux avoir un appui. (J. Archambault): Malgré les nombreux avantages de l'ostéointégration, Dr Habra nous rappelle qu'il y a quelques risques. La complication la plus redoutée, c'est l'infection. Donc ce qu'il faut comprendre, c'est qu'un morceau de métal qui fait protrusion à travers la peau et que la peau va jamais complètement sceller le pourtour du métal, donc ça laisse une porte d'entrée pour des bactéries. Donc beaucoup de personnes vont avoir une infection juste de la peau, superficielle, qui est pas grave, on peut traiter ça avec des antibiotiques. Mais heureusement, ces complications sont pas aussi fréquentes qu'on l'avait pensé au début de la technologie et c'est un risque qui est bien acceptable. Tu sais, puis en plus, moi, j'ai eu tellement de cicatrices, j'ai eu tellement d'opérations, que je suis habituée à un setting, je suis habituée de prendre ma douche quand tout est fermé. Ça se fermera jamais! Ha! Ha! Ha! C'est un réajustement mental à faire. C'est... ouais. (J. Archambault): En plus de tout ce travail pour se préparer physiquement à marcher, Sara s'exerce mentalement. Pour ce, elle rencontre le psychologue une fois par semaine. On va prendre du temps pour vérifier les besoins du patient, à quel point il s'adapte bien à la réadaptation. Il y a toujours des gros défis qui viennent avec ça. Des fois, on va faire un suivi sur le sommeil, les douleurs fantômes, les douleurs à la hanche, au moignon qui sont connues, un peu présentes lors de ce genre de chirurgie-là . La semaine passée, on avait commencé la mentalisation du membre fantôme. Oui. Est-ce que vous avez fait des petits essais? Je vous avais laissé avec... Bien c'est ça. Vu que c'est un demi, c'est... normalement, je pense que c'est ce bout-là que j'avais manqué un peu. Normalement, il fallait vraiment que je m'arrête, que je me remette dans la même position dans un endroit calme, puis de ressentir comme on a fait ici? Idéalement? C'est ça. Donc les aspects psychologiques vont avoir des impacts sur le fonctionnement humain, sur la fonction de la marche, mais aussi sur la fonction de la santé. (sifflotement) (J. Archambault): Loin de chez elle, Sara a dû mettre sa vie sociale et professionnelle sur pause pendant plusieurs mois, chose qu'elle trouve très difficile. Depuis que j'ai l'âge de 13 ans que je me fais opérer à tous les deux, trois ans, qu'il m'arrive quelque chose, puis qu'on recommence, puis que... une nouvelle proposition que je dis oui, mais là , c'est la première fois que je dis oui en ayant à dire non, arrêter quelque chose d'autre ailleurs. C'est la première fois que ça m'arrive, puis c'est ça que je trouve qui goûte moins bon, là ! Tu sais, là , j'étais juste dans une chambre à attendre que le temps passe. Les seules fois qu'on me fait sortir, c'était pour aller faire notre physio. On avait accès au local de gym de la physiothérapie pour les amputés. (chant indistinct) Puis ç'a été le jeudi avant que je sorte, le vendredi, là , j'ai complètement craqué, j'ai pleuré toute ma journée, puis... Ouais! Donc c'est tout ça qui est un peu... qui est demandant, de dire: tu sais, j'ai confiance, mon travail, tout le monde m'aime puis j'aime tout le monde, tout va bien, puis... mais t'as quand même un petit quelque chose en arrière qui te dit: "OK. Quand je vais revenir, est-ce que je vais encore faire la job correct? Est-ce que je vais être encore performante? Est-ce que..." (J. Archambault): Sara a été soulagée quand on l'a transférée en réadaptation externe. Elle a retrouvé un quotidien un peu plus normal et une grande motivation pour poursuivre ses exercices. Dernière journée au centre de réadaptation! On est vendredi 13 décembre. Il est 8h15 du matin, je suis en train de finir ma première mise en charge parce que je veux faire les deux avant de partir à la maison aujourd'hui pour pas avoir ça comme stress chez nous. Puis... non, il est temps que je parte! Il est temps que je parte... je vais continuer à la maison, faire les allers-retours Montréal une, deux fois semaine. *** Vous regardez Un pas à la fois. *** Vous regardez Un pas à la fois. Merci, tout le monde, de m'encourager, de continuer à voir que ça avance, puis c'est ça! Tranquillement pas vite, j'en ai jusqu'à début février à faire mise en charge Montréal une fois semaine. *** (J. Archambault): Tout se passe bien pour Sara depuis son retour à la maison. Dr Habra, le médecin physiatre, est très satisfaite de sa guérison. Juste après son opération, elle est venue ici en réadaptation, elle est restée deux semaines hospitalisée ici, on a contrôlé un peu mieux ses douleurs, bien qu'elle en avait très peu, même malgré la chirurgie. Et par la suite, elle a fait de la thérapie en externe, en physiothérapie, donc elle est venue à toutes les semaines pour faire les exercices, tout ça, on a vérifié sa peau, on a vérifié voir comment l'implant est en train de s'intégrer dans l'os, donc on a pris une radiographie pour vraiment s'assurer que l'ostéointégration se fait de façon adéquate, puis tout est parfait, en fait! Donc les choses se développent très bien. (J. Archambault): Elle se rend à l'IRGLM pour rencontrer la prothésiste Catherine Vallée. La prochaine fois, elle pourra franchir le seuil d'entrée en marchant plutôt qu'en utilisant son fauteuil. Elle est très technique, puis elle fait tout comme il faut, elle a un souci que ça fonctionne très bien, ça fait qu'elle s'applique beaucoup, ça fait que non, ç'a très, très bien été, oui. Oui. On vérifie aussi les composantes externes parce qu'il y a eu comme un petit écrasement des composantes externes pendant qu'elle a fait la mise en charge, ça fait qu'on a resserré tout ça. Là , je vais visser, ça fait qu'il va falloir que tu... OK. ...contreforce l'autre côté. Puis après ça, on installe la prothèse, puis on voit à ce que l'alignement, les pas se déroulent bien, puis que la marche se déroule bien. (J. Archambault): Enfin, après plusieurs mois de patience et d'exercice, c'est aujourd'hui le 3 février que Sara reçoit sa prothèse. Hi! C'est mon nouveau moi, ça? Voilà , Sara! C'est ta petite prothèse! Tu pèses seulement 3 kg. Ah ouais? Ha! Ha! Ha! Oui! Cool! On va voir comment ça va les hauteurs, la mise en charge, les paramètres de ton genou... OK. Puis... on va faire un petit alignement. Parfait. Puis on va voir comment ça marche. Tu veux l'installer? Ouais! C'est la même chose que quand t'installes ta petite prothèse. Clic! On tire, on clippe... Super! On clippe, on ferme la clampe. Ça fait que c'est-tu un peu plus rapide chausser ta prothèse qu'avant? *** Très attendu comme moment! C'était assez magique de juste clipper ça au bout puis tu te lèves, puis c'est fini, là ... C'était très agréable comme sensation! Ouais, vraiment, là , me tenir debout, puis ce que j'ai constaté qui était le plus spécial, c'est avec le psychologue, on a travaillé beaucoup d'aller chercher la sensation fantôme, puis quand je me suis tenue debout, c'est comme venu prendre la place dans le pied, tu sais? Mentalement, là ... Ça fait que ça, j'ai trouvé ça spécial. *** (J. Archambault): La prothèse est munie d'un genou intelligent qui capte les mouvements de Sara et réagit rapidement. Les microprocesseurs et les capteurs permettent de maximiser l'effet naturel de la marche. Bien là , la suite, c'est qu'elle va continuer à perfectionner sa marche, elle va marcher au début avec deux béquilles canadiennes, puis au bout de 6 semaines ou 8 semaines, elle va laisser une béquille canadienne, puis là , elle va marcher encore pendant un autre six semaines avec sa seule béquille canadienne avant de, quand elle sera confortable, lâcher ses béquilles puis marcher sans aide technique. Il y a une chose que je me suis rendu compte, c'est que... j'avais peur de faire l'ostéointégration parce que j'avais l'impression de voler la place à quelqu'un. J'avais l'impression que je voulais pas assez marcher pour être digne de subir cette opération-là , mais finalement, les médecins, l'équipe médicale a eu raison d'avoir confiance en mes capacités parce que ça change ma vie, vraiment... Je suis encore en ajustement... je suis contente d'être retournée à Québec dans mes affaires avec mon monde, de retrouver des personnes précieuses pour moi, alors... j'ai pu faire des gros câlins aussi, ça fait que ç'a été vraiment magique pour ça. Puis là , je suis de retour chez mes parents pour quelques jours, puis rapatrier mes derniers éléments, compléter mes derniers rendez-vous, alors... Québec, me voici! *** (J. Archambault): Maintenant, habituée à marcher avec l'aide de ses béquilles, Sara réapprend à bouger. L'équilibre est naturel. Ça vient rechercher la sensation naturelle, là . C'est sûr que ça fait 14 ans que je me suis pas tenue debout à deux jambes comme c'est l, ça fait quand même longtemps que je ne me rappelle plus de cette sensation-là ! Donc c'est un peu difficile à aller chercher, mais pour l'instant, j'avais vraiment une sensation d'être bien appuyée, là . Puis c'est vraiment ça le point d'équilibre, il était là . Ça reste encore du type spécial! C'est sûr que c'est le fait plus que quand tu vas être avec des pantalons ou des jupes que ça va moins attirer l'attention, mais... tu sais, comme ça, en short, c'était assez voyant. On est chanceux! Il y a pas beaucoup de spécialités qui nous permettent vraiment de changer la vie de la personne comme on le fait, donc quelqu'un qui était en fauteuil roulant toute sa vie, durant les 14 dernières années, qui va pouvoir marcher. Mon Dieu! On se sent comme si on pouvait faire n'importe quoi quasiment! Ha! Ha! Ha! Ouais. C'est vraiment valorisant. Vraiment. J'ai aimé ce qu'une de mes amies m'a dit cette semaine. Elle dit: "Sara, j'ai l'impression que ça va t'aider à trouver un équilibre." Puis j'ai bien aimé ce mot-là . Bien, en ayant la prothèse, je vais pouvoir trouver mon propre équilibre personnel. Ça m'a beaucoup parlé quand elle m'a dit ça. Le fait d'avoir perdu ma jambe m'a donné un droit de parole avec les gens que... J'ai toujours été quelqu'un qui aime bien parler, qui aime bien être vue, qui aime bien pouvoir prendre de la place, alors là , à ce moment-l, par contre, ça va me repousser dans mes retranchements personnels, justement. De ne plus être celle qui flashe, de ne plus être celle qui détonne de la masse. C'est ça, c'est comme... ça redéfinit mon identité autrement. Je m'étais fait mon identité à partir du fait qu'il me manquait une jambe. Là , il faut comme que je la reconstruise sur la vraie Sara. On dirait, c'est ça, la prothèse me permet de me retrouver. (J. Archambault): Sara a une volonté incroyable et une joie de vivre. Lors de notre dernière rencontre, je lui ai fait un gros câlin, chose qu'elle avait bien hâte de faire à ses amis, debout, sur ses deux jambes. *** Salut, Jessie! Finalement, 5 mois après l'opération, 5 mois après avoir eu 30 ans, je commence enfin à vivre. Ç'a pas été facile, ç'a été un combat de tous les jours que je continue encore. Je me rends compte que je suis pas habituée que les gens me regardent dans les yeux et que dans les yeux au lieu de chercher c'est quoi mon problème. Alors... C'est un peu déstabilisant, mais je pense que je vais bien m'y faire. Donc merci à tout le monde d'avoir été là puis de m'avoir supportée, ç'a été une grande aventure qui continue. C'était Un pas à la fois.