Le Suivi, (2009), Vol 25, Num 3

Publié le: 2009

Auteur: Clarisse Defer et Jocelyn Morettini


Clarisse Defer, psychologue au Programme-clientèle d’oncologie
Jocelyn Morettini, M.Ps., psychologue / neuropsychologue au Centre de gestion de la douleur

Saviez-vous qu’à HMR, plusieurs psychologues pratiquent dans des programmes de santé physique, et non pas seulement en psychiatrie ?

Ces psychologues sont spécialisés en psychologie de la santé, appelée aussi psychologie médicale. Cet article est le premier d’une série qui vise à vous présenter ce domaine particulier de la psychologie et à vous permettre de mieux connaître le rôle des psychologues de la santé qui travaillent actuellement dans notre hôpital.

La psychologie de la santé est une discipline relativement récente, créée officiellement en 1979 par l’Association américaine de psychologie. Elle s’inscrit dans la perspective biopsychosociale qui postule que l’être humain forme un tout, où l’esprit et le corps sont indissociables et s’influencent réciproquement. La santé est donc comprise comme un état global de bien-être physique et psychique.

Vous avez déjà probablement eu conscience de ces liens corps-esprit lorsque vous avez fait votre première présentation orale au secondaire. Vos mains étaient moites, vous pouviez sentir le rythme de votre cœur et de votre respiration s’accélérer, votre bouche s’assécher, et vos intestins faisaient des leurs. Vous aviez de réelles réactions physiques, mais vous n’aviez aucune maladie, seulement la crainte de ne pas réussir votre oral. Cet exemple illustre bien comment nos croyances sur le monde (i.e. notre état psychologique, nos pensées) transforment notre biochimie corporelle (par la sécrétion des hormones de stress). Aussi, les études montrent qu’un état de stress chronique est mauvais pour la santé car il nous affaiblit et contribue à entraîner des maladies cardiaques, de la pression artérielle élevée, des taux de cholestérol élevés, du diabète de type II et de la dépression…

Les avancées de la recherche montrent maintenant clairement que la santé et la maladie sont le résultat de l’interaction de plusieurs facteurs, incluant les facteurs biologiques et génétiques, mais aussi les facteurs psychologiques et comportementaux, et les facteurs sociaux et environnementaux. Dans cette perspective, tenir compte des liens corps-esprit permet d’offrir un traitement plus complet et plus efficace de la maladie. C’est pourquoi les psychologues peuvent contribuer à un ensemble de traitements médicaux.

La contribution des psychologues de la santé s’articule autour de plusieurs axes, qui englobent prévention, traitement, et réadaptation.

  • La prévention des maladies et la promotion de styles de vie sains : puisque mieux vaut prévenir que guérir, les psychologues favorisent la motivation au changement des comportements qui représentent un risque dans la survenue de différentes maladies, comme le tabagisme, l’alcoolisme, la sédentarité, le stress, etc...
  • La prise en charge des malades par l’équipe traitante : les psychologues participent à améliorer la communication de l’information médicale et l’annonce des mauvaises nouvelles aux patients. Ils travaillent à favoriser une bonne relation soignants-soigné, ce qui peut augmenter l’adhésion du patient au traitement et sa confiance en l’équipe. Les psychologues peuvent également contribuer à réduire le stress associé à certaines procédures médicales ou examens.
  • L’identification et le traitement des facteurs psychologiques qui contribuent à aggraver un problème de santé (ex. améliorer l’adhésion à une nouvelle diète pour un diabétique).
  • La prise en charge de la détresse psychologique associée à la survenue d’une maladie, ou d’un autre problème physique : les psychologues proposent des interventions psychothérapeutiques pour diminuer la souffrance du patient et de ses proches et pour optimiser l’adaptation aux différentes étapes de la maladie, afin d’améliorer la qualité de vie (ex. annonce d’un diagnostic de maladie grave, traitements de chimiothérapie et effets secondaires, hospitalisation de longue durée, réhabilitation suite à des séquelles reliées à un accident ou à une chirurgie , limitations et perte d’autonomie, fin de vie).
  • L’évaluation des candidats à une procédure médicale complexe (ex. chirurgie esthétique majeure, transplantation d’organe, implantation d’un neurostimulateur).
  • La mise en place d’interventions psychologiques pour remplacer des interventions médicales parfois plus lourdes ou moins efficaces (ex. remplacer des doses d’anesthésie par de l’hypnose).

Les psychologues de la santé exercent le plus souvent en milieu hospitalier ou en centre de réadaptation au sein d’une équipe interdisciplinaire, en collaboration étroite avec les autres professionnels qui prennent soin du patient et de ses proches. Ils apportent leur expertise et leur soutien aux autres membres de l’équipe pour favoriser la prise en charge globale du patient. Ainsi, on peut retrouver des psychologues dans des services de cardiologie, d’oncologie, de grands brûlés, de VIH-Sida, de gynéco-obstétrique, de diabète, de gastro-entérologie, de troubles du sommeil, de neurologie, de douleur chronique, de pédiatrie, de gérontologie, de réadaptation, etc. Leurs services s’adressent tant aux enfants et aux adolescents, qu’aux adultes et aux personnes âgées.

Certains s’inquièteront des coûts de l’implantation de services psychologiques alors que nous n’arrivons déjà plus à subventionner des services de santé à la hauteur de nos espérances. Qu’ils soient rassurés car de nombreuses études à ce sujet s’accordent pour démontrer la rentabilité d’offrir de tels services. Voici des exemples très parlants :

  • Une étude de trois ans sur des patients souffrant de cardiopathie ischémique, d’hypertension, de diabète ou d’une maladie de limitation du débit de l’air démontrait une réduction de 40% des coûts médicaux annuels.
  • Une étude canadienne rapporte qu’après un bref suivi en psychologie (12,5 heures), on observe une réduction de 50% des visites médicales.
  • Une méta-analyse basée sur 91 études publiées entre 1967 et 1997 rapporte une économie moyenne de 20 à 30% des frais de soins (après avoir déduit le coût du service psychologique).
  • Quand la firme américaine Kennecott Copper Corporation a accepté le remboursement des services d’intervention en santé mentale pour ses employés, les frais de remboursement des coûts hospitaliers et chirurgicaux ont décru de 48,9 %. Pour chaque dollar dépensé en santé mentale, la firme a économisé 5,78 $.

Force est d’admettre que, dans une optique de soin globale et efficace (relativement au coût et à la santé), le psychologue de la santé sera de plus en plus amené à travailler dans les équipes interdisciplinaires. L’hôpital Maisonneuve-Rosemont a emboîté le pas en engageant, seulement dans les deux dernières années, cinq nouveaux psychologues de santé. Nous espérons que cet article vous permettra de mieux connaître ces nouveaux venus dans vos équipes. Ne manquez pas de lire les prochains numéros du Suivi pour en savoir plus.